Histoire et patrie des capuns
Depuis que les hommes cuisinent, ils enveloppent leurs plats dans une quelconque verdure : les Indiens mettent de la bouillie de maïs dans des feuilles de maïs, les Chinois du poisson, de la viande et du riz dans des feuilles de lotus ou de bambou, en Afrique, la bouillie de manioc et le pudding aux haricots sont confiés à de grandes feuilles de bananier. Chez nous, les plats sont emballés dans des côtes de bette, des épinards, de la laitue ou du chou. Ou justement dans des feuilles de blettes.
Les capuns sont le plat originel du canton aux 150 vallées. Ce n’est pas un plat, mais une philosophie. Chaque foyer connaît en effet sa propre recette. Ce n’est pas pour rien que l’on dit qu’il y a autant de recettes de capuns que de grands-mères dans les Grisons. Mais la légende dit aussi que les capuns viennent de la Surselva ; c’est pourquoi on les appelle souvent « Capuns Sursilvans ».
À la fin du 18e siècle, les armes s’entrechoquent et les canons tonnent dans les vallées et les montagnes de l’actuel canton des Grisons. Mais ce ne sont pas des Suisses qui se battent contre des envahisseurs, mais des Russes contre des Français. Sous la direction du général Souvorov, les Russes ont poursuivi l’armée française du nord de l’Italie jusqu’à Zurich. Ils ont dû traverser les Alpes. Les hommes qui se battaient souffraient d’une faim indicible et se procuraient tout ce qu’ils pouvaient comme nourriture entre Pigniu et Ilanz.
Antonia Spescha-Derungs, mère de cinq enfants et épouse du paysan Ludvic, a réussi à sauver au moins quelques poules de l’attaque des Russes. Dans la cave à pommes de terre, elle a eu la surprise de trouver encore deux tranches de lard, quelques andouilles, au moins une demi-douzaine de « ligiongias » (saucisses de la Surselva), un morceau de jambon – toutes des friandises de l’ancienne « mezga da casa » (boucherie maison). Qui a bien pu mettre toutes ces choses en sécurité ici ? Certainement son mari. Le feu dans la « fueina » (foyer) ouverte s’est presque éteint. C’est pourquoi elle ne met que quelques pommes de pin et de l’écorce de mélèze. Antionia se met alors courageusement à l’œuvre : elle hache la viande et les saucisses, y ajoute un peu de farine, quelques œufs et de la « jarva tschuora » (menthe frisée) de son jardin. Elle mélangeait le tout avec de l’eau et en faisait une bouillie visqueuse. Devant la maison, elle avait encore trouvé des feuilles de blettes « Urteis » qu’elle donnait habituellement aux cochons. Elle avait besoin de ces feuilles pour envelopper le mélange. Avec un peu de saindoux rance qu’elle trouva dans la cave à pommes de terre, elle fit frire les rouleaux dans une poêle et voilà – les capuns étaient nés !
D’ailleurs, le plat du pauvre s’est transformé depuis longtemps en festin.
CAPUNS (1999), CAPUNS-Geschichten (2006), CAPUNS, Die tollen Rollen (2012), tous aux éditions Desertina Chur, © Charly Bieler, Chur.
Ce sont les principaux ingrédients des capuns :

Méthode d’enrubannage simple, sans enfoncer les bords extérieurs de la feuille

Technique d’enroulement classique avec rabattement des bords extérieurs de la feuille

Alors, envie de capuns ? Alors essayez la recette de capuns de l’Hôtel & Restaurant Gilde La Cruna à Sedrun.
La contribution provient du Gilde Hotel Rhätia à Disentis. Merci beaucoup !